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Le MR morfle

Le MR morfle

Dans les sondages, dans la vraie vie comme au pouvoir…

Edito de Nico Cué

Les grues remontent vers le nord. Bon signe. Les premiers éclats d’un soleil de printemps annoncent la fin de l’hiver. Pour certains pourtant, les nouvelles restent plutôt fraîches. Les temps sont rudes et durs pour le parti d’un Premier ministre plus populaire là où il ne sera pas réélu, en Flandre, qu’en Wallonie ou à Bruxelles où il se présentera. Frustrant. Significatif ?

Depuis l’été dernier, le MR se trouve aux manettes en Région wallonne aussi. Il a pris ces dernières semaines une solide baffe quand la multinationale allemande Zalando a annoncé que, finalement, après deux ans de discussions, non, elle ne s’installera pas à Dour pour servir le marché belge et celui du nord de la France. Mais bien en Hollande… Un investissement fort d’une promesse de 1500 emplois directs s’est évaporé pour la cité d’une éminence cdH, M. Di Antonio. Avec le MR à sa tête, la Wallonie n’est pas plus attractive. Immédiatement, le climat social wallon a été mis en cause. La rigidité d’un marché du travail qui rend le travail de nuit plus difficile à organiser. Le coût du travail aussi.

Trois belles grosses pierres dans le jardin libéral. On dirait des rochers. Un climat social plus lourd est toujours la conséquence d’une concertation en difficulté. Le MR l’a torpillée au niveau fédéral avec la complicité des employeurs avant de la phagocyter en Wallonie. La flexibilité pour encadrer le travail de nuit est toujours négociable et l’élargissement flexi-job à l’e-commerce ne semble pas avoir convaincu les investisseurs. Enfin, le blocage des salaires, le saut d’index et le tax-shift ne seraient pas encore suffisants plus les yeux doux de l’Elysée n’arrachent pas la décision d’investir chez nous.

Dans l’argumentaire « clé sur porte » rien ne colle. Son principal intérêt était bien sûr de mettre la pression sur les syndicats et la FGTB en particulier. En fait Zalando s’installe aux Pays-Bas parce que ce pays accueille plus de travailleurs détachés venant de Pologne que nous et parce qu’il organise plus de temps partiel dans des contrats « de merde » qu’ici.  Le ministre wallon de l’Economie, le libéral Jeholet, a fini par le concéder: « Je ne me battrai pas pour attirer ce type d’emplois »[i].

« Jobs, jobs, jobs », était pourtant devenu un gimmick, le crédo d’un libéralisme dont les recettes idéologiques obtuses  cognent contre le mur des réalités incontournables. Ce constat a été dressé avec une égale efficacité en termes de communication par le prédécesseur de Jeholet, Jean-Claude Marcourt : «  Jobs, jobs, jobs, ça veut dire qu’il faut avoir trois emplois pour avoir un salaire décent. » Torpilleur coulé.

En recul de 11 sièges, la majorité serait minoritaire

Le silence du MR permet le développement d’une rhétorique vaseuse (colportée en 140 signes par les tweets de Francken) qui contextualise des pratiques douteuses à l’endroit des exilés : collaboration avec les dictatures, « libertés » liberticides avec l’article 3 de la déclaration des droits de l’Homme et mise en cause de droits aussi fondamentaux que la protection du domicile. Le renoncement au service minimum en matière d’éthique libérale met, à l’évidence, militants, élus et électeurs du MR plutôt mal à l’aise.

Et cela a un prix. Dans le dernier sondage, il se traduit par un recul de 5 sièges pour le seul parti francophone de la « kamikaze ». La N-VA progresserait, elle,  d’un élu que les reculs CD&V (- 4) et Open VLD (-3) ne compensent évidemment pas. Toutes choses restant égales, pour maintenir cette majorité rétrograde en place en 2019, le cdH serait contraint de rejoindre l’attelage et… de renier ses engagements à ne pas gouverner avec les nationalistes flamands. Un gros problème ? Le MR l’a fait… Ok, il morfle aujourd’hui.

Par parenthèse, en Wallonie, la gauche (PS, PTB et Ecolo) recueille les faveurs d’un peu plus de six électeurs sur dix. Alors que pour la droite au pouvoir, le MR et le cdH ne représenteraient plus qu’à peine 31 % des électeurs !

Le bilan de la coalition fédérale sera calamiteux. Sur le plan social. Sur le plan budgétaire. Sur le plan sanitaire (dans le contrôle de la chaîne alimentaire). Sur le plan sécuritaire. Sur le plan économique puisque la croissance des « mauvais » emplois est moindre chez nous que chez nos voisins. Et cela, alors que le monde du travail a lourdement payé par des reculs inouïs de ses droits l’amélioration d’une compétitivité qui n’est mesurée – et mal encore ! – qu’au départ des seuls salaires… Et cela alors que les dividendes continuent de croître de manière aussi irresponsable qu’indécente !

Ce constat doit être rappelé posément, calmement, alors qu’un chantier très sensible reste à l’ordre du jour. Celui des pensions et de la prise en considération de la pénibilité du travail dans le calcul des carrières. Mépriser la souffrance de travailleurs qui ont pris des risques pour leur santé, pour leur vie et qui ont subi des conditions de travail difficiles serait « kamikaze »…


Nico Cué
Secrétaire général

 

 

[i] L’Echo du samedi 10 mars 2017.