Nous avons rencontré il y a quelques jours, 2 représentants de chez Truck Technic à Herstal.Vous savez, cette entreprise appartenant au groupe international Meritor et spécialisée dans le reconditionnement de différentiels et étriers de freins pour poids lourds...
cette entreprise largement bénéficiaire tant au niveau du site liégeois qu’au niveau du groupe...
cette entreprise qui n’a pas hésité à annoncer le 30 juin dernier son intention de procéder à un licenciement collectif…
En quelques minutes, Francisco Gomez et Bernardo Del Angel, représentant la délégation syndicale MWB-FGTB, nous ont expliqué à quel point le conflit que les travailleurs viennent de traverser était exemplaire et à replacer dans un contexte caricatural.
Financiarisation industrielle tout d’abord : car lorsque vous aurez besoin de citer une entreprise qui licencie son personnel et ferme malgré de confortables bénéfices … mais jugés insuffisants au niveau du groupe, vous penserez à Truck Technic.
Méconnaissance et manque de considération envers les réalités vécues par les travailleurs ensuite. Tant au niveau des propositions formulées par la direction qu’au niveau des méthodes et vocabulaire utilisés par le banc patronal, les exemples sont légion du peu de cas qui a été fait des familles touchées par l’annonce.
Manque de crédibilité de la part de la direction du site : c’est clair, à aucun moment, la direction herstalienne n’a fait preuve de maîtrise dans le dossier. Les seules avancées notables ont été engrangées suite à des négociations menées entre la délégation syndicale et les représentants internationaux … qui dans un premier temps semblaient tout ignorer des conventions sectorielles en application dans notre pays !
Méfiance et préjugés : en organisant des réunions à l’extérieur du site « en terrain neutre mais public » et en recourant systématiquement au service d’avocats, les managers ont clairement fait comprendre où ils plaçaient le curseur de la confiance envers les représentants des travailleurs.
Limites de la Loi Renault : incapable d’interdire un licenciement collectif basé sur des seuls motifs boursiers et encore moins d’imposer la ré-industrialisation d’un site fermé alors qu’il était rentable.
Francisco et Bernardo soulignent ensuite la fierté des travailleurs d’avoir mené un combat dans la dignité.
En occupant l’usine pendant 58 jours et nuits sans aucun bris, les travailleurs ont en effet ont prouvé à la direction leur détermination à se faire entendre et à conserver l’outil et les biens de production dans un état irréprochable.
En restant en contact permanent avec l’ensemble des travailleurs, la délégation MWB-FGTB a pu en toute circonstance agir sous mandat total et légitime.
En développant leur propre stratégie de communication basée entre autres sur un journal interne, une page Facebook et un slogan « Meritor : Family Killer »[2] qui aura marqué les esprits, les travailleurs de Truck Technic ont soulevé une vague de soutien qui leur a été particulièrement utile.
En avançant sans relâche, proposition après proposition, ils sont parvenus il y a quelques jours à un protocole d’accord permettant à chacun de quitter l’entreprise dans la dignité.
En restant soudés et en globalisant la discussion, les délégués MWB-FGTB auront pu obtenir pour chacun des conditions de départ inenvisageables 2 mois plus tôt.
Bien sûr l’amertume est immense de voir leur usine sacrifiée sur l’autel de la délocalisation vers la Tchéquie, bien sûr tous les travailleurs du site ont perdu leur emploi … mais ils ont pu démontrer, même s’ils n’étaient « qu’une poignée », que lorsqu’on connaît la législation et qu’on prépare ensemble avec détermination les arguments de la négociation, on peut tenir tête à un grand groupe, fût-il international !
Pour la Délégation Syndicale MWB-FGTB de chez Truck Technic,
Se résigner et se taire ? Jamais !
Francisco Gomez et Bernardo Del Angel
[1] « Héros de la classe ouvrière ». Chanson de John Lennon parue sur son 1er album solo en 1970.
[2] Meritor : Tueur de Familles