La droite devait conquérir tous les gouvernements du pays. C’était le programme à la veille de l’été. Elle régnait déjà sans partage sur la Flandre comme sur l’Etat fédéral. Il lui fallait Namur puis Bruxelles et la Fédération... A la rentrée des classes, la « pelle » du 19 juin se solde par la prise en otage des Wallons et… l’échec des putschistes en Région Capitale comme en Fédération Wallonie-Bruxelles.
La succession des affaires impliquant toutes les familles politiques traditionnelles a fait tanguer le landerneau. Celle du Samu social qui concerne Bruxelles-Ville seulement a fini par avoir raison du petit cœur du patron des « humanistes ». Benoît Lutgen a donc « débranché la prise » qui le reliait au parti socialiste accusé des maux de la terre. Il a ensuite accroché son wagonnet à la voiture libérale tirée par le train du nationalisme flamand. Tout entier envahi par l’émotion, il a oublié de faire ses calculs pour la Fédération et de prévenir ses partenaires de la coalition bruxelloise. Allez les convertir après à l’avantage de « vertueux sentiments » qu’ils n’ont pas éprouvés spontanément alors même que l’objet de l’émoi se déployait sous leurs yeux. Le Bastognard fait donc payer aux seuls Wallons les conséquences d’un scandale qui ne les concerne pas. Les Bruxellois mesurent, eux, que leur salut n’a tenu qu’au mépris dans lequel la tête du cdH les tient. Au point de risquer de faire entrer la N-VA dans l’exécutif régional ! Sans en parler avant !
Le PS est donc infréquentable. Plus que la N-VA ! Mais, pas au point de pousser à la démission les chrétiennes éminences des gouvernements qui n’ont pu être renversés dans le dos des électeurs. Charité bien ordonnée ne s’encombre ni de cohérence ni d’éthique excessive.
L’opération n’aura pas été un fiasco pour tout le monde. Le gouvernement Michel reçoit le ralliement des « centristes » à la droite et à ses logiques flamandes comme un cadeau du ciel. L’occasion fait le larron ; il a donc poussé sur le champignon fin juillet en décidant de nouveaux reculs sociaux (en matière de pension, de service minimum dans les services publics…) et de nouveaux cadeaux aux détenteurs de capitaux (réforme de l’impôt des sociétés qui n’était pas dans le programme initial !). La trajectoire budgétaire est reportée (ce n’était pas dans la déclaration gouvernementale non plus). Le financement des offrandes aux rentiers n’est pas garanti. On verra bien demain… Mais on lorgne déjà sur la sécu et les « bijoux de famille ».
Le parti de De Wever exulte et confirme que c’est au fédéral que le PS la gêne. En Wallonie, il s’en tape et sourit même du coup d’éclat très improvisé du cdH. Il envisage paisiblement une suite à l’expérience « kamikaze » avec un retour du communautaire ! Jambon l’a annoncé.
La com’ pour tout programme
Le cdH a donc ouvert portes et fenêtres à de nouvelles avancées confédérales. Il légitime a posteriori les errances libérales dictées au MR par la N-VA en matière de démocratie économique et sociale. Les démocrates-chrétiens encore sur l’épave humaniste en sont pour leurs frais. Même si coutumiers de ces outrages répétés, ils ont déjà le cuir bien tanné. En un mot comme en cent, les centristes ne se sont pas contentés de déposer les armes face à la droite nationaliste flamande mais ils ont déjà rejoint le MR dans la… collaboration.
Le MR n’en croit pas ses yeux. La Wallonie lui est livrée sans coup férir. La nouvelle majorité qu’il domine est étriquée au Parlement. Elle représente moins d’un électeur sur deux. Mais il est au pouvoir. En un an, il ne pourra pas imprimer de nouvelles politiques, c’est évident. Beaucoup de chantiers peuvent être ruinés. Mais même détruire prend aussi du temps. Les libéraux se sont donc fixé une ligne de conduite éolienne : faire du vent, communiquer et marquer les esprits…
Ils ont d’ailleurs choisi comme ministre de l’Economie un spécialiste de la com’. Il est chargé de faire comprendre combien il est avantageux que les Wallons « fassent » comme les Flamands. Qu’ils deviennent « normaux » c’est à dire « de droite » et « soumis »… aux intérêts du Nord. Il invite ainsi Francken qui se comporte comme un facho dans le dossier de l’asile pour faire des selfies devant un centre pour réfugiés à qui on promet du boulot. Rien de moins. Il agresse dans le même temps les chômeurs wallons et annonce la « fin de l’assistanat » (©Alda Greoli – ministre cdH) et de la « culture de l’excuse ».
En deux mois, Pierre-Yves Jeholet n’a pas montré qu’il maîtrisait déjà ses dossiers mais il a occupé, seul, tout le terrain. Il définit ses cibles (au rang desquelles la FGTB semble figurer en bonne place) et annonce pour qui il roule. A peine finissait-il d’injurier les sans-emploi qu’il s’empressait de déclarer dans le dossier des « discriminations à l’embauche », qu’il ne fallait pas …«stigmatiser les employeurs».
D’aucuns s’interrogent sur la modernité de la lutte des classes. La rentrée des clashes dissipe toute ambiguïté en la matière.
Nico Cué
Secrétaire général