Douche froide. Glacée. Un optimisme bienfaiteur qui grandissait à la faveur de la campagne électorale française s’est trouvé, au lendemain du premier tour, rincé comme un lendemain de Fête du Travail arrosée déraisonnablement.
Par son écartement du second tour, la gauche paye cash le «narcissisme de ses petites différences». Tapis rouge donc pour les défenseurs des intérêts du (grand) capital… Un banquier en sursis - ni de gauche, ni de droite - nous est présenté comme l’ultime rempart face aux loups aux portes de la ville. La patrie des Lumières s’éteint.
Les temps sont durs.
On croit toucher le fond. Mais non, les candidats creusent. Ils choisissent de pousser plus loin le bouchon jusqu’à se disputer le bout de gras du « vote ouvrier », en se déplaçant à Amiens devant les grilles d’une marque d’électro-ménager qui va délocaliser en 2018 sa production vers la Pologne. Près de 300 travailleurs sur le carreau… Sans réponse à leur détresse, ils reculent à bonne distance le mur d’un cynisme absolu ! « Mépris de classe », ça s’appelle.
Arrogance patronale
La société n’a jamais été aussi prospère. Chez nous aussi, elle est « scandaleusement riche », comme dit la pub de la Loterie nationale. Et comme au Lotto, les gagnants sont une minorité. Les entreprises au cœur de toutes les politiques tirent systématiquement le gros lot. Elles se portent donc bien. Elles réalisent de plantureux bénéfices. Le gouvernement Michel continue de déverser sur elles cadeaux et nouvelles promesses. Comme si, en échange, l’emploi serait un jour au rendez-vous. Ce n’est pas l’annonce de son intention de revoir l’impôt sur les sociétés qui va inverser la tendance. Charles Michel exhorte au Parlement : «Jobs, jobs, jobs». «Crotte, crotte, crotte», lui répond l’écho.
Le scandale réside ici dans le constat que les entreprises n’investissent pas les bénéfices pour pérenniser nos outils et/ou développer l’emploi. La richesse que nous créons par notre travail fout le camp dans les poches de leurs propriétaires sous forme de dividendes. Le capital vit des jours heureux. Le patronat se sent autorisé à développer une arrogance inouïe. A l’égard des organisations syndicales, nous en avons l’habitude. Mais même à l’égard du gouvernement qu’il appelle à sortir de la torpeur de ses « affaires dormantes ». On voit bien où est le pouvoir. Et ce n’est pas au 16 rue de la Loi. Peut-être même pas à Anvers…
Pendant ce temps, les ouvriers souffrent. La population se serre la ceinture. Elle paye chèrement les délires austéritaires d’un MR aux bottes de la NVA. Saut d’index. Blocage des salaires. Hausse de la TVA sur l’électricité. Hausse des accises. Hausse des prix des médicaments. Et comme si ça ne suffisait pas, arrivent les menaces sérieuses sur la pérennité notre système de soins de santé ! C’est pourtant un des plus compétitifs au monde d’un point de vue « rapport qualité/prix »… La droite a le projet d’étrangler la Sécu. Elle casse nos pensions. Elle poursuit la ruine du droit au chômage.
Ils sont nuls en économies !
En matière budgétaire, ces champions des économies sont nuls ! Avec le MR et la NVA, la dette s’est creusée. La relance économique n’est pas au rendez-vous. Moins de 2% de croissance. Une inflation supérieure à celle de nos voisins. Quant à l’assainissement budgétaire, aucune amélioration crédible n’est en vue. Après 10 milliards d’efforts imposés aux plus faibles, l’évidence d’une révision de la trajectoire budgétaire s’est imposée. Encore heureux ! Sans cela, c’est cinq milliards supplémentaires qu’il eût fallu trouver en un an ! Le gouvernement n’a pu tenir ses folles promesses et le paradoxe, c’est qu’il faut s’en féliciter…
Le MR porte une responsabilité énorme dans la bérézina sociale dans laquelle son opportunisme et la trahison des intérêts wallons et bruxellois nous ont plongés. L’a-t-il compris en renonçant à nous voler le 1er mai ? Pas sûr…
Quoi qu’il en soit, le mouvement social est aujourd’hui dans les cordes. Plutôt que céder à un pessimisme ambiant qu’alimente l’inventaire de nos reculs, il convient sans doute de réfléchir aux voies et moyens pour reconstituer un autre rapport de forces qui permette le retour de l’idée de progrès dans l’imaginaire politique. En se rappelant des mots de Raymond Aubrac, résistant au nazisme, pour qui l’optimisme était sans doute la première vertu de ses frères d’armes !
Nico Cué
Secrétaire général