Le déménagement bat son plein et sera, sans doute, terminé fin de l’année.
Peu à peu, à Sclessin, à quelques lancers de ballons du stade du Standard, la société Jac quitte ses vieux locaux étriqués, littéralement cernés par les installations de la fonderie Marichal-Ketin, pour aller se poser juste un peu plus loin, au sommet d’un ancien terril reconditionné.
Les employés sont déjà partis là-haut, la fabrication y est quasiment et le montage suivra pour la fin de l’année, dans une usine moderne, avec vue imprenable sur les industries du coin et odeurs de matériaux neufs garantie.
Jac fabrique des machines à couper le pain, celles-là même que vous voyez dans votre supermarché favori. Celles-là, et quelques autres, plus grosses, pour les boulangeries industrielles, des engins qui vous découpent 1000 pains à l’heure. Et d’autres encore, que vous ne connaissez probablement pas, qui vous prennent un pain normal et vous en coupent seulement trois ou quatre tranches, laissant le reste intact à disposition des clients suivants. Pratique pour avoir quelques tranches de chaque sorte, ou pour avoir plus souvent du pain frais sans passer par le congel’, ou si les fins de mois sont difficiles. Les Allemands, paraît-il, raffolent du système qu’on devrait finir par avoir arriver chez nous.
Car des machines Jac, il y en a partout dans le monde. La petite boîte liégeoise, née en 1947, est incontesté numéro un en Europe. Et peut-être numéro un au monde, même si la concurrence chinoise s’amplifie, avec des copies conformes mais moins chères… Il faut donc, ici à Liège, se battre surtout sur la qualité et la spécialisation, du produit et des services, en se souvenant que les fondateurs de la société avaient, à l’époque, eux-mêmes purement et simplement copié une machine encore inconnue en Belgique mais que l’armée américaine avait abandonnée ici après la guerre.
Jac est donc une multinationale, avec des antennes techniques ou commerciales dans différents pays (dont la Russie et les USA). Mais tout ce qui coupe le pain est fabriqué à Sclessin. Un autre (très petit) site de production existe, à Langres, mais c’est une société qui a été rachetée et qui est spécialisée dans les diviseuses de pâtes (avant cuisson du pain).
Toutefois, au regard de son marché mondial, Jac reste finalement une petite boîte, avec ses 85 ouvriers (y compris quelques intérimaires en nombre forcément fluctuant) et ses 35 employés. « Le patron a souvent mis en avant l’argument de l’entreprise familiale où tout le monde est main dans la main, pour désamorcer nos revendications », s’amuse le premier délégué Métallos MWB Thierry Houyon, 58 ans dont 35 dans la scie à pain. « Mais depuis qu’on a la nouvelle usine, on nous explique qu’on doit se conduire selon les règles modernes de gestion ».
Quoi qu’il en soit des fluctuations du discours managérial en fonction des objectifs, la situation chez Jac est évidemment plutôt satisfaisante, comme en témoigne l’investissement en voie de finalisation : près de 9 millions d’euros qui comprennent le nouveau bâtiment, les aménagements extérieurs, une nouvelle ligne de peinture et une nouvelle unité de découpe laser.
Jac est une entreprise où l’on reste, et la redéfinition d’une grille salariale qui ne soit plus bloquée après 25 ans d’ancienneté est d’ailleurs une revendication prioritaire de la FGTB, confirme l’autre délégué, le jovial Arif Zacharia, qui nous explique en serrant les mains à la ronde le régime de 36 heures avec deux ou trois pauses, selon les besoins.
Chez Jac, la MWB est ultra-majoritaire, au point d’ailleurs que les deux délégués rêvent, pour les élections de 2020, de ne pas avoir de concurrence. Etre leader incontesté sur le marché syndical local n’est pas encore suffisant à leur yeux…
Légende : Thierry (à gauche) et Arif devant l’immensité du bassin liégeois.