C’est avec l’inoxydable Marcel Bartholomi que nous avons rendez-vous ce matin. Ancien Secrétaire régional des Métallos MWB-FGTB verviétois et actuel Président de l’Institut de Développement Européen de l’Economie Sociale (IDEES), il vient de signer la sortie d’ « Une alternative de Gauche – Des repères pour la bataille du travail » (*).
L’homme est connu pour ses analyses acerbes, son parler franc, son verbe fort.
L’histoire du mouvement ouvrier, le droit du travail, la démocratie sociale sont autant de sujets sur lesquels notre camarade Marcel est intarissable et qu’il traite avec une précision d’horloger.
Mais c’est en colère que nous le retrouvons aujourd’hui. En colère contre le projet de loi Peeters qui n’est selon lui, ni plus ni moins qu’une insulte à tout ce que le monde du travail a mis des générations à construire !
Vous trouverez sur notre site www.metallos.be une synthèse plus complète des propos que nous avons pu échanger ensemble mais voici en 6 points les cartes rouges qu’il adresse à cette prétendue « loi Travail ».
Un vaste détournement de biens sociaux
Selon les apôtres de l’ultralibéralisme, la terre et ses richesses, le travail et son savoir-faire, ses techniques et ses technologies sont des marchandises. Ils ont pour ambition de privatiser le bien public dès qu’ils y voient leur intérêt. Les actionnaires et leurs managers, quant à eux, n’hésitent plus à remettre en cause les libertés collectives et la solidarité du monde du travail au profit de la réussite individuelle et l’exploitation de l’homme par l’homme. Le travailleur est lui-même « marchandisé ».
La dérive de la financiarisation de l’économie
Depuis les années 80, les actionnaires captent une part de plus en plus importante de la richesse produite par les acteurs économiques. En 1981, la part salariale dans le PIB était de 57 %, elle n’était plus que de 51 % en 2008 et a de nouveau chuté dramatiquement en 2015. 40 % de la richesse créée par les entreprises est ainsi passée de la poche des travailleurs à celle des actionnaires. Au cours de ces dix dernières années, la part distribuée aux actionnaires a plus que doublé. La valeur actionnariale s’est imposée au préjudice des salaires, devenus une variable d’ajustement ! Les dividendes et les bonus grimpent pour atteindre des rendements financiers de 15 à 20 % après avoir dépouillé les salariés. La dérive est flagrante.
La démocratie sociale en danger
La pratique de la démocratie sociale est vitale pour l’entreprise et l’économie ; c’est pourquoi la diversification des contrats, comme des horaires de travail, doit relever du dialogue social entre les interlocuteurs sociaux pour s’inscrire dans une perspective de justice sociale. Mais l’interventionnisme actuel du gouvernement remet en cause les négociations salariales en imposant une norme fixée unilatéralement, ignorant les réalités propres que connaissent les secteurs et les entreprises.
La démocratie sociale, à laquelle les travailleurs sont attachés, ne peut se satisfaire d’un dialogue social « paritaire ou tripartite » biaisé par le gouvernement qui intervient sciemment à l’appui des thèses patronales.
Le droit du travail bafoué
Les droits du travail de chaque pays sont désormais soumis à une concurrence déloyale, avec pour conséquences : difficultés d’embauche sous contrat à durée indéterminée, développement incontrôlé du travail intérimaire, généralisation du travail de sous-traitance, flexibilisation à outrance de la durée du temps de travail, temps partiel variable, heures supplémentaires libéralisées sans sursalaire et combien d’autres règles arbitraires imposées par le patronat.
Reniement du pacte social
En 1944, le Pacte social détermina l'objectif du partage des gains de productivité, soit sous la forme d'augmentations des salaires ou sous la forme de réductions du temps de travail.
Le redressement salarial et plus de sécurité économique devaient relancer la croissance et l’emploi. Il s’agissait de participer à l’introduction de nouvelles méthodes de travail permettant d’augmenter la productivité. En contrepartie, les représentants des employeurs reconnaissaient la nécessité de partager avec les travailleurs les gains réalisés. Dès lors les travailleurs participèrent totalement à cet essor et à l’amélioration du bien-être commun.
Aujourd’hui, en légiférant contre les salaires, le gouvernement néolibéral acoquiné au patronat se rend complice d’un vaste détournement d’actifs et laisse le champ libre aux employeurs, pour satisfaire les appétits des actionnaires. Il démantèle le Pacte social de 1944 et soustrait la négociation paritaire entre interlocuteurs sociaux.
Le contrat de travail individuel : instrument d’assujettissement
En Belgique, 99,3 % des milliers d’entreprises sont des PME qui emploient moins de 50 travailleurs et échappent, pour la plupart, à une représentation syndicale. Dans ce cadre, l’organisation des horaires de travail est confirmée par des contrats de travail individuels dont disposent les employeurs à leur guise. Car les clauses inégales et le plus souvent arbitraires du contrat, de plus en plus flexible et précaire, sont soustraites au contrôle de délégués syndicaux. On est encore loin de la démocratie sociale et le contenu du contrat de travail atteste de l’isolement du salarié et son état de subordination.
C’est clair, conclut Marcel Bartholomi, ce projet de loi Peeters est à balayer d’un revers de la main !
Marcel Bartholomi
Président Idées ASBL
(*) Pour se procurer l’ouvrage, il suffit d’envoyer un courriel à : info@ideesasbl.org